La vallée de la Pankissi est située au nord-est de la Géorgie.
La région est peuplée de Kistes, de réfugiés des guerres de Tchétchénie et de Géorgiens, tous vivent dans quelques villages le long de la rivière Alazani. Les Kistes sont des Tchétchènes qui se sont installés en Géorgie il y a plus de deux siècles et cohabitaient pacifiquement avec les Géorgiens. La chute de l'Union Soviétique et les deux guerres de Tchétchénie ont beaucoup déstabilisé la vallée et alimenté la transformation religieuse de cette petite communauté. Comme dans de nombreuses autres régions du monde, le salafisme soutenu par l'Arabie saoudite a pris de l'ampleur en Pankissi, notamment sous le prétexte de l’aide humanitaire aux réfugiés. Ce développement est symbolisé par la toute nouvelle mosquée sur la route principale de Duisi, le village principal. Et pendant ce temps, le soufisme traditionnel de la région perd du terrain.
La vallée a depuis les années 2000 la réputation d'être un foyer terroriste. Une réputation qui a été amplifiée plus récemment avec les nombreux (relativement à la population) départs de ses jeunes vers la Syrie lors de l’apogée d’Isis et surtout la promotion de l'un d’entre eux, Omar al-Shishani, comme un des principaux commandants de l’organisation en Syrie. Médiatiquement elle n’a longtemps existé qu’à travers les opérations anti-terroristes qui y étaient menées puis à travers le récit de ces départs. Ici comme ailleurs il n’en faut pas plus pour stigmatiser toute une région qui a bien d’autres choses à offrir…
Désireuses de contrer cette tendance et de restaurer une image positive de leur communauté, certaines femmes se battent pourtant et résistent aux nombreuses forces négatives auxquelles la région est confrontée. Elles s'appellent Makvala, Khato, Raisa, Markha, Sona et nous les avons rencontrées en août dernier ...
Depuis de nombreuses années un groupe de vieilles dames continue de perpétuer la tradition du Zikr, un rituel soufi qui mène à une forme de transe. Un autre groupe se bat pour la beauté de la culture locale et a créé l’ensemble Aznash, une chorale de femmes aux voix extraordinaires, qui s'est produit dans de nombreux pays (dont la France). D'autres femmes luttent contre la stigmatisation et l'isolement de la région en développant l'éco-tourisme et en tentant d’inscrire la région sur la carte du nouveau tourisme géorgien florissant. Elles qui se sont battues pour la paix et la cohabitation lorsque les réfugiés de Tchétchénie se sont installés luttent aujourd’hui contre l’abandon de l'État en distribuant de la nourriture pendant le Ramadan aux familles dans le besoin. Toutes, avec leurs actions sont les actrices du renouveau de la vallée, un changement lent certes mais perceptible.
Avec Clément Girardot, journaliste